Jurassic World : fallen kingdom

Juan Antonio Bayona, 2018 (États-Unis)

LA MONDIALISATION
PLUS FORTE QUE LES DINOSAURES ?

Bayona reprend l’attraction après la fermeture en catastrophe dont s’était chargé Colin Trevorrow dans le précédent volet (Jurassic World, 2015). La visite de Bayona comprend le retour sur les lieux dévastés du parc d’Isla Nubar dans une première partie et le déplacement des dinosaures dans un manoir néo-gothique californien dans une deuxième partie. Les deux séquences sont assez inégales et la première, sous les cendres et les coulées de lave, est clairement la plus spectaculaire. La course qui pousse les grosses bestioles et les héros à se jeter d’une falaise est à couper le souffle. La suite qui voudrait davantage jouer sur l’ambiance peine en revanche à dépasser la galerie d’images. Le réalisateur de L’orphelinat (2008), malgré les ombres, le clair de lune, les squelettes, peinent à créer l’effroi. Ainsi, malgré l’importance accordée au personnage d’une fillette, l’héritage de Spielberg n’a que peu à voir avec le domaine de l’enfance, mais se retrouve davantage, outre l’aventure, dans la réalisation de plans précis (l’apparition du brontosaure sur l’île, un œil ouvert dans l’habitacle d’un véhicule, le jeu de cache-cache avec un grand carnassier ou bien les ombres précédant le monstre) ; des plans qui paraissent en définitive moins inspirés que directement calqués sur le film d’origine Jurassic Park (1993).

Du côté du récit, on notera un certain « renouvellement » du modèle familial. Fallen kingdom commence certes par le recrutement très classique d’une équipe de scientifiques mais se désintéresse très rapidement de deux d’entre eux (l’informaticien et la « paléo-vétérinaire ») pour ne plus retenir que le duo principal. Reste alors Claire et Owen (Bryce Dallas Howard et Chris Pratt) qui sont des ex prêts, une fois passées les sueurs froides, à retomber amoureux. Jusque-là rien de neuf. Cependant le scénario leur met dans les bras la petite Maisie, fillette née en laboratoire comme les dinosaures. Maisie perd le dernier membre de sa famille (le grand-père Lockwood) et se retrouve par conséquent vite adoptée par les deux héros pour l’aventure. Opposé à ce couple avec clone : le reste du monde. Ou pour être plus précis tous les magnats et truands (russes, slovènes, indonésiens, texans…) convoqués par le vil et cupide Mills (Rafe Spall) pour une foire aux bestiaux d’exception. Ainsi, l’ankylosaure, le tricératops ou l’indoraptor rescapés d’Isla Nubar sont vendus aux plus offrants, chacun ayant son idée pour faire de cette chair de saurien une arme de destruction massive, une gamme de produits pharmaceutiques ou un simple animal de compagnie.

Jurassic World: fallen kingdom sort dans une cinquantaine de pays différents et parvient à cumuler 1,304 milliard de dollars de recettes en cinq mois d’exploitation. Il est amusant de voir dans cette perspective ce que ce pur produit de la mondialisation réserve à ses dinosaures. En effet, l’ouverture du parc d’attraction au monde prend dans le film une toute autre tournure (la formulation nous permettrait presque un parallèle -que nous n’oserons pas- avec The World de Jia Zhang-Ke, 2004). Ce ne sont alors plus les touristes qui affluent vers Isla Nublar comme dans Jurassik World. Dans Fallen kingdom, ce sont les dinosaures qui font un premier voyage en dehors de l’île -qui les isolait- vers la Californie. Et selon la fin du film, il ne s’agit là que d’une première étape avant la découverte d’un terrain de jeu à l’échelle du monde. Une question à présent nous intéresse : alors que la petite fille clonée laissait les sauriens géants gagner leur liberté sur le territoire américain, Jurassik World 3 fera-t-il de cet élan du dino vers la mondialisation la cause de sa perte ?

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4 commentaires à propos de “Jurassic World : fallen kingdom”

  1. Du Park on passe au World, bien vu le changement d’échelle vers la mondialisation du concept ! La photo placée dans le corps du texte évoque tout de même furieusement l’univers de Bayona, ses monstres et compagnie. Voilà qui relève d’un chouya l’intérêt de cette suite dont je n’ai pas pris la peine de voir le premier volet. La-voilà la limite : la perspective de devoir me fader le Trevorrow avant d’accéder au Fallen Kingdom n’est pas spécialement affolante.

    • La mondialisation ayant pour caractéristique d’effacer les frontières, tu peux ne pas craindre la limite. J’ai moi-même vu ce World 2 sans passer par la case World 1 ni même Park 2 et 3.

      Ceci dit, la mondialisation peut aussi mettre en évidence les inégalités. Dans ce cas, Fallen kingdom, aussi sympathique puisse-t-il paraître, souffre forcément de sa comparaison avec le modèle réalisé par Spielberg.

  2. Suite consternante (épilogue qui tente de racheter sa stupidité par une oraison pseudo intellectuelle sur l’ancien monde par Ian Malcolm) d’une suite qui l’était moins, Jurassic World 2 permet donc de réévaluer à la hausse le film navrant de Trevorrow. Comme quoi, tout arrive.

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