Invictus

Clint Eastwood, 2010 (États-Unis)

Eastwood retrace le parcours de Nelson Mandela, de sa sortie de prison après vingt-sept années passées sous les verrous, jusqu’à la coupe du monde de rugby en 1995. Est magnifiquement porté à l’écran son désir de mettre un terme définitif à l’apartheid, d’unifier son peuple, de pardonner, de faire table rase du passé et ainsi redonner des lettres de noblesse à sa nation. Pour incarner cette figure emblématique de la politique internationale, Morgan Freeman est plus vrai que nature dans une performance d’acteur à la hauteur du personnage. Forest Whitaker campait de façon magistrale le dictateur Amin Dada dans Le dernier roi d’Ecosse (Kevin Macdonald, 2007). Malgré l’opposition radicale entre les personnages, un illustre défenseur des droits de l’homme et un tyran mégalomane ougandais, impossible de ne pas établir de parallèle entre les deux performances. Par son regard, ses discours, Freeman fait preuve d’un charisme hors du commun. Du coup, Matt Damon, même s’il reste toujours aussi convaincant, passe un peu derrière.

Clint Eastwood a le don de trouver le ton juste : une dose d’humour, un brin piquant, beaucoup d’humanité, mais sans jamais abuser du politiquement correct ou du facilement larmoyant… Car il faut aussi reconnaître que les effusions de joie et la liesse générale à la fin du film sont remplies de bons sentiments. Pourtant quel frisson ! On imagine aisément, dans le contexte des événements évoqués, le bonheur que ce fut pour le peuple sud-africain de remporter la coupe du monde de rugby ! Eastwood tacle gentiment au passage les oiseaux de mauvaise augure, les journalistes foncièrement pessimistes qui retournent leur veste dès lors que leur équipe nationale, donnée largement perdante, remporte une si brillante victoire… Les films sur le football américain sont légion, il y en a eu quelques-uns aussi sur le football tout court (rien de mémorable…), mais sur le rugby c’est plus rare ! Et toutes les parties sur les phases de jeux sont extrêmement bien réussies, bluffantes même ! Certes, les spécialistes avertis y trouveront forcément quelques défauts ici où là*. Les « crevettes » parquées dans les bidonvilles de Johannesburg dans District 9 (Neill Blomkamp, 2009) ne sont plus ici des aliens, mais bel et bien des hommes qui survivent tant bien que mal à la misère. Même si Invictus est l’adaptation d’un roman Playing the enemy: Nelson Mandela and the game that made a nation de John Carlin (2008), le film colle de très près à la réalité politique et historique de la période.

Hasard du calendrier, Invictus sort dans les salles cette année 2010 alors que l’Afrique du Sud organise la coupe du monde de football ! Un beau film sur les valeurs humaines que le monde de l’ovalie n’a jamais cessé de représenter.





* Fabien Galthié, ancien capitaine des bleus, a ainsi commenté de façon un peu amère, que tout n’était pas retranscrit comme dans la réalité… A propos de la demi-finale perdue contre l’équipe d’Afrique du sud ! Mais bon, c’est un film après tout et même très réaliste, il ne s’agit d’un documentaire.

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Une réponse à “Invictus”

  1. « Une équipe, une nation », le quatrième ticket pour la domestique noire, le blanc et le noir qui se mélangent ou pas, les ralentis monstrueux de la finale… Les symboles qui concernent la ségrégation raciale et le terme qu’y met Nelson Mandela sont assez grossiers. Cependant, la situation d’apartheid subie par l’Afrique du Sud entre 1948 et 1991 n’impose-t-elle pas cette dichotomie ? Excluait-elle pour autant tout nuance ? L’entre-deux, le métissage ou la tolérance n’y avait-il pas leur place ? Pour Eastwood, la communion nationale que connaît l’Afrique du Sud en 1995 grâce à la coupe du monde de rugby ne devait exclure personne. Et tant pis si les bons sentiments dominent, un film qui donne l’occasion à un bout d’Afrique d’être représenté sur une multitude d’écrans, qui permet à ce continent d’émerger autrement que par des situations de crises et de conflits ethniques, a déjà quelque chose de bon en soi.

    Selon les propos de Mandela, le rugby est un calcul politique, « humain », pour réunir une nation divisée. On s’étonne par conséquent de ne voir les matchs qu’à hauteur d’hommes ou vus du sol. On ne voit pas vraiment ce qu’il se passe sur le terrain et ce sont les expressions des spectateurs qui nous font comprendre l’évolution des différentes parties. A part le final, les matchs sont expédiés et très rarement les caméras dominent le terrain. Pas de plongée tactique sur le stade, seulement les chocs des joueurs. Il est surprenant qu’Eastwood n’accorde pas la politique du président noir avec la façon de filmer le rugby, de manière à comprendre les stratégies déployées.

    Le réalisateur, enfin, dit un mot des difficiles relations entre Mandela et sa famille, sa fille surtout. Le thème père-fille (et plus généralement de la paternité) avait été abordé à plusieurs occasions, que ce soit de façon symbolique (Million dollar baby, 2004) ou réelle (Les pleins pouvoirs, 1997).

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