L’homme qui voulait vivre sa vie

Éric Lartigau, 2009 (France)

Pour sa première incursion dans un drame, Éric Lartigau [1] trouve le juste équilibre entre le récit (adapté d’un texte de Douglas Kennedy) et les acteurs, solides et convaincants. Le film est bien fabriqué mais rien n’en ressort. Le scénario est tout puissant et le réalisateur, asservi à une simple chaîne d’événements (le divorce, l’homicide et la première rupture sociale, la dissimulation du corps, le départ, la nouvelle occupation, le succès et la seconde rupture…) est incapable de s’approprier le script et encore moins de le dépasser [2]. Que nous raconte Lartigau ? En substance ce que nous apprend le titre, l’incapacité d’un homme à s’épanouir. Avec quels moyens ? Avec la trame du roman original basée sur deux faits exceptionnels (un homicide involontaire et une série de crimes en pleine mer). Avec une réalisation sobre. Sans rythme marqué (ni lent, ni haletant), ce qui ne nuit pas forcément au récit. Et sans véritable émotion ; elle ne naît pas de l’histoire, pas davantage des acteurs (Duris et, se relayant à ses côtés, Foïs, Deneuve ou Arestrup). Le scénario enserre donc l’ensemble et rien n’est développé, ni le désastre familial, ni l’accomplissement d’un homme.

Pourtant, un bref instant nous entraîne ailleurs. Lorsque Paul (Duris) abandonne tout pour la seconde fois, sur le pont d’un cargo et les yeux perdus dans l’horizon. Quelques plans suggèrent alors son errance (identitaire et géographique [3]). Paul gratte les traces de sa vie passée, renonce à sa propre personne et disparaît aux yeux de la société. Paradoxalement, c’est dans cet effacement que le personnage existe.





[1] Lartigau œuvrait jusque-là dans le registre des comédies ; d’abord le complice de Kad Merad et Olivier Baroux (Mais qui a tué Pamela Rose ?, 2003, Un ticket pour l’espace, 2005) puis le réalisateur de Prête-moi ta main avec Alain Chabat et Charlotte Gainsbourg (2006).

[2] Encore une personne qui a de bonnes raisons d’abandonner sa vie : Deux jours à tuer de Becker (2008) ou avec plus de subtilité Villa Amalia de Jacquot (2009).

[3] Comparable à celle de Vincent Lindon dans La moustache (Emmanuel Carrère, 2004).

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2 commentaires à propos de “L’homme qui voulait vivre sa vie”

  1. Pour mon retour, j’ai envie de dire que je suis presque d’accord, dans le sens où avec ta critique je me rends compte qu’il n’y a rien de merveilleux mais pourtant j’ai vraiment été entraîné.

    Duris est très très fort, et que dire du meilleur acteur qu’est Arestrup !

    Et du seul fait que le film nous emporte, il s’avère intéressant et émouvant. A voir très vite.

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