Gomorra

Matteo Garrone, 2008 (Italie)

A l’image de Versailles, même si c’est dans un tout autre domaine, Gomorra frappe par son hyper réalisme. Un film vraiment à la limite du documentaire, dont évidemment tous les faits sont avérés.

Ce film sans concession est donc à mille lieux de la mythologie romantique mafieuse dont on peut se délecter, sourire aux lèvres et fascination dans le regard (moi le premier, étant un inconditionnel du genre !), dans des longs métrages tels que la saga du Parrain (Francis Ford Coppola), Les affranchis (Martin Scorsese, 1990) ou évidemment le fameux Scarface de Brian De Palma en 1984. On le voit encore ici, Tony Montana est un véritable culte dans les cités et bon nombre de jeunes bien influençables (à l’image des deux petites frappes du film qui forcent leur accent et imitent Al Pacino) se prennent vraiment pour lui : auparavant le cinéma s’inspirait de la rue, il semble qu’aujourd’hui ce soit le contraire… Tout petit, certains commencent à jouer aux Indiens et aux cowboys, aux gendarmes et aux voleurs et rapidement s’identifient à cette légende du cinéma, comme s’il avait vraiment existé.

Gomorra s’éloigne radicalement du film de genre pour dresser un portrait très réaliste de la Camorra, la mafia napolitaine, dans une cité urbaine qui ressemble plus à une prison qu’à un véritable quartier. L’organisation et l’implantation de la mafia au sein de diverses activités (de la haute-couture clandestine au trafic de drogue, en passant par le tristement célèbre catastrophique traitement des déchets napolitains et les guerres de clans…) est ici mise à nu de façon authentique, puisque tous les méfaits présentés par le réalisateur sont vrais.

Une réalisation brute de décoffrage pour un film coup de poing à la fois violent et brutal (pas d’effet de style, mais un tournage proche de celui utilisé habituellement pour les films de guerre), des acteurs criant de vérité, des méthodes révélées au grand jour avec une étonnante précision… C’est le sans fautes pour Gomorra, récompensé, je le rappelle, du Grand prix du 61e festival de Cannes.

Personnellement, je peux dire avoir vu un bon paquet de films liés à la mafia : celui-ci est de loin le plus réaliste et donc le plus différent de tous ceux que j’ai pu voir jusqu’à présent. Il se passe maintenant, en 2008, en Italie, mais on sait que les organisations mafieuses sont plus actives que jamais de nos jours, et ce dans toutes les couches sociales d’un grand nombre de pays. Ce film pourrait donc tout aussi bien se passer chez nous ou bien en Russie, en Espagne, ou même sur le continent africain.

Il s’agit d’une libre adaptation du roman de Roberto Saviano (un best-seller vendu à 1 200 000 exemplaires !), qui vit depuis sous protection policière à cause de nombreuses menaces qui pèsent sur lui… Apparemment le roman n’a que de roman le nom ! On se souvient d’ailleurs de l’étonnante conférence de presse, là aussi sous protection policière, à Cannes cette année ! Et chose incroyable : pour le film, le gangster Giovanni Velosa joue son propre rôle sans avoir changé de nom ! Il a d’ailleurs été reconnu lors d’un reportage à la télévision par des détenus de la prison de Naples et arrêté quelques jours après ! Difficile de faire plus réaliste comme film…

Gomorra fera date, sans aucun doute. A voir absolument.

Ludo

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Une réponse à “Gomorra”

  1. Très bon film ! J’ai lu le roman (que je vous recommande) de Roberto Saviano auparavant, et le film est très réussi. Je ne reviendrai pas sur le côté réaliste abordé par MaîtreLudo ci-dessus mais je rajouterai que plusieurs personnages ont un côté très attachant finalement (c’est la dualité entre héros et gangster) :
    – Toto, le jeune novice intronisé dans le milieu en recevant sur son gilet pare-balle un tir de gros calibre à bout portant ;
    – Don Ciro, le porteur de « revenus » aux familles meurtries (parents tués ou en prison) ;
    – Pasquale, el Maestro, le couturier qui ne compte pas ses heures pour réaliser des robes de luxe ;
    – Roberto, l’assistant du chef mafieux des déchets qui finira par jeter l’éponge.
    Les histoires imbriquées de ces différents personnages (et bien d’autres encore) sont déroulées de manière fluide, tout est suggéré, suffisamment clairement pour comprendre toutes les ramifications du milieu, aucun domaine n’est épargné.
    Certains plans sont saisissants : la vue d’ensemble aérienne de la cité avec ses coursives, la piscine gonflable en terrasse, le défilé des camions dans la carrière conduits par des gamins…
    La conclusion du film avec cette musique agressive totalement adaptée nous révèle que la mafia est partie prenante dans la reconstruction des tours jumelles de New-York… Tout est dit.

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