La garçonnière (The apartment)

Billy Wilder, 1960 (États-Unis)

Mœurs légères dans une compagnie d’assurance new-yorkaise en 1960. Le gratte-ciel des publicitaires de Mad men (Matthew Weiner, 2007-2011) fait-il partie du même bloc d’immeubles ? Érection immobilière et toute puissance masculine comparables, plus haut sont les bureaux, plus leurs occupants gagnent en pouvoir dans l’entreprise et en mépris pour le personnel. En revanche, quel que soit l’étage, les femmes, simples secrétaires, ont droit à leur tape sur les fesses ou à aller chercher des glaçons pour le verre du patron.

Wilder lance sa comédie avec Jack Lemmon, C. C. Baxter, ses tracas et ses grimaces. Les ennuis du petit employé font sourire. Son appartement est transformé en garçonnière pour ses chefs de bureau et Baxter se voit obliger, pour le bien de sa carrière, d’arranger leurs emplois du temps extra-conjugaux. Comme dans Sept ans de réflexion (1955) et Certains l’aiment chaud (1959), Wilder s’amuse des frasques sexuelles de ses personnages et des quiproquos dans lesquels il les plonge. Le ton change ensuite et la comédie de mœurs se dilue dans le drame léger lorsque Fran (Shirley MacLaine) avale une boîte de somnifères. Restée accrochée à un homme marié qui lui promet monts et merveilles, sa détresse sentimentale l’installe aux côtés d’Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (Blake Edwards, 1962). A ce niveau de rupture dans le récit, la petite glace cassée que fait passer Fran à son amant par l’intermédiaire de Baxter fige ce dernier dans une déception amoureuse qui s’accorde assez avec la désillusion de la jeune femme. Sur cette égalité de sentiments entre l’homme et la femme, la dernière partie voit l’histoire amoureuse qu’avait tôt envisagée le spectateur se substituer à la déception de chacun.

L’insistance de Wilder sur la fragilité de Fran relève la goujaterie masculine et rend la critique plus acerbe. Dans sa satire, le cinéaste souligne aussi la lâcheté des dirigeants, glisse un personnage féminin fort (la femme du docteur son voisin, certes un brin caricaturale dans un rôle de matrone) et fait de Baxter un « Mensch » aux yeux du docteur en l’écartant de la phallocratie prônée par ses supérieurs. En 1960, La garçonnière est nominé pour dix Oscars et Wilder rafle les prix du meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleur film (en face, Hitchcock présent avec Psychose, n’obtient rien).

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2 commentaires à propos de “La garçonnière (The apartment)”

  1. Amusante cette tendance de Wilder aux quiproquos avec des appartements. On retrouve l’idée dans Sunset Boulevard en 1950. Dans ce film, le scénariste Joe Gillis propose à la fraîche et jolie Betty Schaefer d’écrire une histoire entre deux enseignants sans le sou qui partageraient la même chambre et le même lit sans le savoir, l’un travaillant de jour et l’autre de nuit.

    « This is a story about teachers…their threadbare lives and struggles. I see her teaching day classes while he teaches night school. The first time they meet… […] She teaches daytimes,he teaches at night, right?
    They don’t even know each other, but they share the same room. It’s cheaper that way. As a matter of fact, they sleep in the same bed. In shifts, of course. »

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