Les fantômes du chapelier

Claude Chabrol, 1982 (France)




Le chapelier Léon Labbé (Serrault) tue avec méthode. Il tue Madame (Monique Chaumette). Puis une à une, ses amies. Il tue et tue encore sans plus pouvoir s’arrêter. Il fait même croire, avec l’ombre d’un mannequin à la fenêtre, que sa femme est toujours vivante (Psychose, 1960). Le fin museau (François Cluzet) qui au fond du troquet rédige ses papiers pour le journal du coin le comprend bien, l’étrangleur est un fou. Le tailleur d’en face, fidèle Kachoudas (Charles Aznavour), partage les secrets de Labbé. Par ses cadres et à leur insu, Chabrol fait entrer les personnages en connivence, Labbé et son suiveur (le mystère plane sur leur relation), ou subrepticement le journaliste et Kachoudas.

Concarneau et Quimper forment sous l’œil de Chabrol une seule ville close, idéale pour le meurtrier de ces dames. Le pavé est humide et les ombres propices à engloutir les silhouettes (The lodger, 1926). Les cloches de l’église ne rythment pas seulement la vie des habitants. Elles font entendre la mécanique horlogère du tueur… Jusqu’à ce que la mécanique s’enraye. Tant que le chapelier a un mobile, il tue implacablement. Après qu’il a pris conscience de son besoin maladif de donner la mort, et aidé par l’alcool, il ne peut plus se cacher. Kachoudas pourrait être l’incarnation étrange de ce qu’il reste à Labbé de raison. Mais le petit tailleur se meurt et, à son chevet, le chapelier lui livre la dernière explication qu’il est capable de donner. Ensuite c’est la glissade vers la folie (sa dernière victime est la prostituée que joue Aurore Clément).

Le tableau des habitants de la ville est peu gratifiant : un médecin cocu, un commissaire un peu benêt qui passe son temps à jouer au billard, d’autres notables vivant au café d’apéritifs et de cartes et un prêtre sans autre rôle que celui de faire défaillir l’assassin. Parmi eux, les commerçants cités (le tueur soucieux du paraître et le mourant). Au-dessous, ceux dont ils profitent (la prostituée, la bonne…).

Avant de signer une adaptation d’un texte de Simone de Beauvoir (Le sang des autres avec Jodie Foster, 1983), Chabrol fait du roman de Simenon un film noir, aussi nocturne que Le cri du hibou (1987), à nouveau hitchcockien par endroit, et dans lequel Michel Serrault excelle.





A voir dans les archives de l’INA, un interview de Chabrol du 31 mai 1982 sur Les fantômes du chapelier suivi d’un court reportage de Pierre Tchernia sur le tournage du film.

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2 commentaires à propos de “Les fantômes du chapelier”

  1. Bonjour, j’ai vu ce film à sa sortie. J’avoue que je l’avais trouvé un peu long (lent?) mais les deux comédiens étaient exceptionnels. C’est une oeuvre un peu à part dans la filmo de Chabrol. Mais vraiment à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas. Bonne journée.

  2. Je l’ai vu à sa sortie en 82. J’avais bien aimé, j’avais 25 ans.

    Je viens de le revoir deux fois de suite, j’ai 64 ans.

    Quel film ! Sobre, efficace. Je me rends véritablement compte du niveau des Simenon/Chabrol et Serrault.

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