Django

Sergio Corbucci, 1966 (Italie)

Le western spaghetti en est encore à ses débuts. Quelques films de Duccio Tessari ou Mario Caiano… Leone a déjà sorti deux réussites avec Clint Eastwood en tête d’affiche, Solima comme Corbucci réalisent leurs tout premiers essais. Les trois Sergio sont à l’œuvre et fort de leurs succès ne tardent pas à marquer la décennie sauvage de leurs éperons. Avec Django et après Le Justicier du Minnesota (1964), Sergio Corbucci reprend l’épure propre au style en train de se définir et radicalise la violence. C’est brutal, ça saigne vif et les cadavres pleuvent. Le film fabrique en plus une série d’images mémorables, à commencer par cette longue marche boueuse au premier générique, un homme en noir tirant son cercueil où qu’il aille, ou bien une oreille découpée avec sadisme et partout des paysages de fange remplaçant ici la poussière des westerns américains.

Le récit prend place aux États-Unis, après la guerre civile. Django est un ancien soldat du Nord (il porte encore le pantalon à bandes jaunes des États de l’Union). C’est un héros impassible, qui rend une justice circonstancielle mais sert avant tout ses intérêts. Or, quand il arrive dans une petite ville du Sud avec une fille qu’il vient de sauver et toujours traînant son mystérieux cercueil, il découvre deux camps rivaux. Tenant à son indépendance, Django ne se laisse conter ni par les Sudistes qui terrorisent les alentours, ni par les révolutionnaires mexicains qui leur disputent le territoire. On pense assez vite à l’influence de Leone et Pour une poignée de dollars (1964), film qui puise lui-même dans la commedia dell’arte. Car, même altérée, on reconnaît dans Django la trame d’Arlequin valet de deux maîtres de Goldoni (1746).

Dans le rôle de Django, Franco Nero, qui commençait sa carrière (touchant à tous les registres, on l’aperçoit dans La Guerre des planètes d’Antonio Margheriti en 1965, ou dans le rôle d’Abel dans La Bible de Huston l’année suivante). Face à lui, on remarque surtout le Général mexicain (José Bódalo) et le chef sudiste, sorte de Zaroff en cowboy aristo (Eduardo Fajardo). Parmi les hommes de mains, quelques sales gueules sous-exploitées, trop vite dégommées. On peut citer aussi la fille qui ne fait pas grand chose (Loredana Nusciak) et Nathaniel l’aubergiste (Ángel Álvarez) qui, lui (peut-être tiré d’un film de Ford ou de Hawks) est probablement le seul personnage un peu sympathique de l’histoire.

Pour en apprendre davantage sur Django, de sa genèse à sa réception critique, on se référera avec plaisir au superbe ouvrage que Vincent Jourdan a consacré au petit maître italien (Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci, paru aux éditions Lettmotif en 2018 et réédité depuis). L’auteur évoque le succès mondial qu’a connu le film malgré la censure (interdit aux moins de 18 ans aux États-Unis, inédit au Royaume-Uni jusque dans les années 1990, etc.) et le considère, plus qu’aucun autre, comme celui qui valut à Corbucci sa place dans « la grande histoire du cinéma » (p. 44).

Je ne sais pas s’il y a un précédent au héros avec mitrailleuse énorme portée à bout de bras, faisant tomber ses cibles par dizaines d’un simple balayage latéral, mais, armé de la sorte, Django a certainement inspiré bon nombre des personnages de série B, si chers à Quentin Tarantino et Robert Rodriguez parmi d’autres. Durant la scène fameuse, c’est Arnold Schwarzenegger en Terminator qui m’est apparu, la Minigun en question assurant à ce dernier un sulfatage propre et sans mort dans le deuxième épisode signé Cameron (Terminator 2, Le Jugement dernier, 1992). Dans Django, le Jugement dernier, le bleu des cieux dans les yeux, c’est Django qui le donne.

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Une réponse à “Django”

  1. De Ringo à Django, je me suis rué au grand galop.
    Ton article m’a menotté, et ta dernière réplique m’a fusillé (et pas que du regard).
    Que de souvenirs ! Je l’ai vu il y a belle lurette, il doit d’ailleurs toujours traîner sur une bande VHS qui moisit dans mon grenier. J’ai fait l’erreur de ne pas investir à l’époque dans le DVD Wild Side. Pourtant, un classique pareil, ça ne se loupe pas !
    Corbucci est à coup sûr mon deuxième Sergio préféré, après le Leone, mais devant Sollima et aussi Martino dont on parle peu bien qu’il soit l’auteur des Zizis baladeurs, mais avant tout de La queue du scorpion que j’avais décortiquée sur mon blog. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi je ne suis pas encore l’heureux détenteur d’un exemplaire du livre de Vincent. A cette faute je remédierai sous peu en l’ajoutant à mon panier.

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