Deux sœurs pour un roi

Justin Chadwick, 2008 (Royaume-Uni)

Henri VIII se préoccupe de sa succession au trône d’Angleterre. Catherine d’Aragon, sa première femme, ne lui donne qu’un enfant mort né. Bientôt, ses inclinaisons amoureuses le portent devant l’une, puis l’autre des jeunes sœurs d’une famille aristocratique, les Boleyn. Derrière les chassé-croisés amoureux, Justin Chadwick s’intéresse bien plus aux intrigues de cour et à un incessant jeu de dupes qu’à leurs conséquences politiques qu’il néglige totalement.

Tour à tour, leur père, George Boleyn, et leur oncle, Sir Thomas, échafaudent des stratégies afin que le roi (Eric Bana, plutôt crédible) se divertisse, ou mieux, s’éprenne, d’abord d’Anne (la brune, suffisante et calculatrice Natalie Portman), ensuite de Mary (la blonde, sincère et plus fragile Scarlett Johansson). Une fois ses pulsions sexuelles assouvies, Henri VIII, furieux, a de toute façon le dernier mot : n’ayant pu obtenir d’aucune de ces charmantes sœurs l’héritier espéré, il chasse l’une de son entourage et, après l’avoir accusée d’inceste et de sorcellerie, fait tomber la tête de l’autre. A la cour, chacun possède ses propres desseins : attention à attirer, amour à conquérir, ambition personnelle…

La mise en scène sert cette idée et s’applique fréquemment à isoler les personnages : que ce soit derrière des grilles, acculés dos à un mur, alités… L’image est souvent réduite d’un ou deux tiers (cadrée de noir), centrée ou non, et accentue cette impression d’isolement. Justin Chadwick a aussi osé reprendre une métaphore depuis longtemps abandonnée aux années 1980 : le feu de cheminée pour figurer la passion d’un baiser charnu et annoncer une nuit ardente passée dans la couche royale.

Deux sœurs pour un roi montre la faiblesse des femmes au XVIe siècle, dans une société qui apparaît surtout régie par les hommes. Quel que soit leur rang, elles sont réduites à de simples objets de désir, utiles pour contracter des alliances, arranger une situation sociale par un habile mariage et procréer, éventuellement faire démonstration de ses talents de couture ou de chant. Dans le film, Elizabeth Boleyn, la mère (Kristin Scott Thomas), et même la reine Catherine (Ana Torrent) sont dans le film de parfaits exemples de cette représentation contemporaine de l’impuissance féminine à cette époque. Image à fortement nuancer au regard de ce que l’on sait des femmes de cours et d’élites.

Dans l’ensemble, Natalie Portman et Scarlett Johansson nous proposent une intéressante confrontation (le film n’est-il pas un prétexte à ce face à face d’actrices ?) et, pourtant à regret, concédons, les caractères des personnages aident à cela, la supériorité de la première sur la seconde. Que les sœurs Boleyn et la versatilité sentimentale d’Henri VIII (qui a pourtant porté un temps le titre de « défenseur de la foi » en restant hostile à la Réforme) soient rendues responsables de la séparation du royaume d’Angleterre avec Rome et de la création de l’Eglise anglicane restent des idées très secondaires. Les individus et leurs discordes préoccupent davantage le réalisateur. Le film se termine comme il a commencé par des enfants jouant dans un pré, les propres enfants des sœurs Boleyn, dont la fille unique d’Anne, Elisabeth, future Elisabeth Ière d’Angleterre… Cela ne donne-t-il pas envie d’enchaîner avec le diptyque de Shekhar Kapur avec Cate Blanchett (Elizabeth, 1998, et Elizabeth : l’âge d’or, 2007) ?

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