Dark water

Walter Salles, 2005 (États-Unis)

Une grosse pluie s’abat sur New York. Un couple divorce et pose la question de la garde de leur petite fille. Dahlia Williams, la mère, cherche un appartement et porte son choix sur un logement de l’autre côté du fleuve, dans le quartier de Roosevelt Island. Mauvaise pioche. L’appartement reste glauque malgré la peinture fraîche. Pire, il y a des infiltrations d’eau à travers les murs. Les taches de moisissures au plafond noircissent, grossissent… Et cette pluie qui à l’extérieur ne veut cesser…

Avec ce film, Walter Salles s’engage dans un petit remake, celui de Dark water de Hideo Nakata (Honogurai mizu no soko kara, 2003). L’original possédait de petits défauts mais n’avait en rien besoin d’une complète réécriture. S’il manquait au marché américain, il suffisait de mieux le distribuer et non de le refaire entièrement… En outre, les critiques ont plus volontiers pénétré dans le cercle de Hideo Nakata qu’ils n’ont apprécié se mouiller avec cette eau sombre (Nakata est l’auteur des deux premiers Ring en 2001 et 2002 et du remake du second en 2005 ; Gore Verbinski a réalisé la première inspiration U.S. du Cercle en 2002)… C’est dommage car l’affiche est belle : Jennifer Connelly, très bien, John C. Reilly, qui a des rôles éclectiques mais le plus souvent seconds (Magnolia, Paul Thomas Anderson, 2000, ou Chicago, Rob Marshall, 2003), Tim Roth, qui est ici sous-employé, et Pete Postlethwaite, que l’on préfère dans des personnages moins légers comme ceux vus dans Au nom du père (Jim Sheridan, 1994) et dans Les virtuoses (Mark Herman, 1997). Dark water n’est pas raté, loin de là. Il est bien construit. Les plans s’enchaînent correctement et leurs liants sont utilisés avec habileté. Il arrive que l’angoisse monte : les personnages en situation, le jeu de Jennifer Connelly et le montage sont, lors d’une séquence ou deux, sources de tension chez le spectateur ; aucune véritable peur cependant. La fin est assez noire et c’est tant mieux. Pourtant, on ne s’intéresse pas au film autant que nous l’aurions souhaité…

Après avoir tourné à plusieurs reprises dans son pays natal (Terre lointaine, 1997, Central do Brasil l’année suivante) et de façon plus large en Amérique du Sud (Carnets de voyage, 2004), le réalisateur brésilien saisit ici pour la première fois un paysage nord-américain, celui d’un quartier de la ville de New York. Les transformations, celles ayant lieu dans une vie par exemple (le divorce de Dahlia Williams et tous les changements que cela entraîne), sont très souvent des prétextes au surgissement du fantastique au cinéma. Dans Dark water, les lieux ont leur importance et le quartier au-dessus duquel, et dans lequel, circulent les caméras de Walter Salles se trouve aussi en pleine transformation. Roosevelt Island est situé sur l’East River, entre Manhattan et le Queens. Le métro et un tramway-téléphérique permettent de lier l’étroite bande de terre au reste de la capitale américaine. Durant le générique de début, lors d’une vue en plongée depuis le téléphérique, le titre « Dark water » apparaît sur les eaux de l’East River ; dans la cabine, un passager affirme froidement que Roosevelt Island ne fait pas partie du reste de la ville… Au début du XXe siècle, l’île a accueilli quelques industries, un hôpital, des asiles et même, dans les années 1930, une prison. Plus tard, les asiles ont été déplacés et de nombreux logements ont été créés. Comme dans le quartier voisin de Queensbridge, il semble que ce soit surtout des populations pauvres qui les aient occupés. Les industries ont aussi pour la plupart fermé et, au début du XXIe siècle, les espaces laissés restent en friches. De même, l’ancien hôpital à l’architecture néo-gothique passe pour une bâtisse hantée. D’après les images tournées par Salles et malgré les premiers efforts de rénovation et de réhabilitation, l’île n’est en rien accueillante et prend des allures fantastiques. Immeubles imposants et anguleux, tons marrons et gris, coins sombres et délabrement chronique : autant de stimuli capables de donner vie à tous les monstres d’une imagination féconde. Outre le sous-texte fantastique du propos, c’est peut-être à cause de cette dégradation de l’urbain que, pour le passager du téléphérique, le quartier moribond paraît si différent d’un New York ultra moderne.

Walter Salles sait créer une ambiance (l’eau est présente sur chaque plan, l’image n’est plus jaune or comme chez Nakata mais vert sombre, les bâtiments de Roosevelt Island baignent dedans comme dans un brouillard…) et ce fac-similé U.S. intéresse davantage pour l’espace filmé et l’atmosphère qui s’en dégage que pour toutes les bizarreries subies par les protagonistes.

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3 commentaires à propos de “Dark water”

  1. Oui, et pour aller plus loin, les remakes y’en a marre! Ils n’arrêtent plus d’en faire… C’est dommage qu’on préfère ces copies aux originaux… Rien de tel qu’un authentique film asiatique et son ambiance inimitable !
    Quant à Dark water, c’est un film que je n’ai pas vu mais si je le vois, ce sera dans sa version originale !

  2. Je n’ai revu ni la version de Nakata ni celle de Salles. Je ne crois pas que Salles ait eu quoi que ce soit à dire et j’imagine bien qu’il exécute une commande avec ce film, cependant je ne me souviens pas d’un film raté. Pas d’aberration ou d’insupportable incohérence. Jennifer Connely et l’ambiance ont suffit à mon intérêt.

    Sinon, 10 ans plus tard, il serait intéressant de comparer à une autre représentation de Roosevelt Island.

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