Cloud Atlas

Lana Wachowski, Tom Tykwer, Andy Wachowski, 2012 (États-Unis)




Ce n’est pas le savoir-faire qui fait ici défaut. Loin de là. Décors, costumes, mise en scène, musique, tous ces éléments participent bien à la fabrication de l’aventure. Les Wachowski, créateurs de Matrix (1999), et Tom Tykwer, le réalisateur du Parfum (2006), ont eu de l’ambition pour adapter le roman à succès de David Mitchell (2004) et sont même parvenus dans une certaine mesure à surmonter la complexité du récit original. Du XIXe siècle à un futur dystopique, des années 1970 à nos jours, puis projeter à nouveau vers un autre futur mystique et primitif, six histoires s’enchevêtrent autour de l’idée de liberté déclinée de plusieurs manières : un esclave noir croyant s’en sortir par les océans, la délivrance d’un compositeur à l’écriture de son œuvre ou un clone exploité dans un fast-food virtuel qu’une révélation affranchira. Tykwer et les Wachowski prennent alors le parti de faire endosser plusieurs rôles aux mêmes acteurs, leur offrant l’occasion de traverser le temps et l’espace, d’évoluer en bien ou en mal selon les époques et les situations, bref d’améliorer leur karma. L’idée pouvait séduire : « La liberté peut-elle s’acquérir après plusieurs vies ? », c’est en gros une des questions posées dans le film.

Malheureusement et malgré les efforts des trois réalisateurs, le composé s’avère impossible. C’est d’autant plus dommage que les liants de mise en scène (le travail sur les raccords et le montage) et les principes d’unité inhérents au scénario (la musique et les écrits variés, correspondances, partitions, journaux intimes, circulent un peu aléatoirement à travers les époques et affectent plusieurs vies) mettent soigneusement en relation tous ces personnages ; tous sont autant de destins ainsi placés sur les fils d’un même mystère. Mais les six récits développent leur genre propre et Cloud Atlas donne aussi l’impression d’un zapping gigantesque sur chaînes câblées : c’est vaguement Cocoon (Howard, 1985) quand Timothy Cavendish (Jim Broadbent) tente de fuir la maison de retraite, plus ou moins Blade runner (Scott, 1982) avec Sonmi-451 (Doona Bae) dans les hauteurs nocturnes de Séoul, il y a quelque chose de Waterworld (Reynolds, 1995) sur Big Island en compagnie de Tom Hanks et Halle Berry, ou bien des Hommes du président (Pakula, 1976) lors d’une enquête à mener sur la mise en service douteuse d’une centrale nucléaire, etc. En outre, l’acteur grimé, dissimulé sous les postiches à chacun de ses rôles, prend souvent le pas sur le personnage. Parfois ce sont aussi les jeux grotesques qui gênent toute cette aventure. D’autres fois, ce sont le maquillage et le jeu ensemble qui nous affligent : Hugh Grant en chef de clan sanguinaire dans le futur post-apocalyptique et new age.



L’effort et l’engouement des Wachowski à tenter de renouveler la science-fiction par la forme sont des plus respectables. Cloud Atlas se rêvait en Inception (Nolan, 2010), mais l’énorme montage parallèle qui découle de ce film d’à peine moins de trois heures n’apporte guère plus d’originalité qu’un collage pour bande annonce (d’ailleurs en l’occurrence plus efficace que le film). Gardons alors seulement à l’esprit les choses admirables : la transmission par les écrits et la musique, l’émancipation de Sonmi-451, les mots échangés entre Sixsmith et Frobisher (Ben Whishaw et James d’Arcy) et toute cette porcelaine qui vole en éclat.





Lire le bon article de Benoît Smith sur Critikat.

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