Captain America: the first Avenger

Joe Johnston, 2011 (États-Unis)




« Smashing thru, Captain America came face to face with Hitler »


Le porte-bannière étoilé apparaît pour la première fois en public en mars 1941, quelques mois avant que les États-Unis n’entrent de plein pied dans la Seconde Guerre mondiale. Sous les crayons de Kirkby et Simon, Captain America est le fruit d’un nationalisme guerrier qui s’est épanoui à travers les lectures adolescentes de l’époque. Le super-héros a ainsi commencé sa carrière en tant qu’instrument de propagande. Même si, au fil des décennies, le nationalisme s’est estompé, quelle que soit l’époque qui le voit resurgir, il paraît impossible de défaire Captain America du patriotisme qui recouvre son costume, du couvre-chef à la culotte. Les scénaristes et le réalisateur ont donc préféré en jouer. A condition de garder à l’esprit le contexte de naissance, ils évitent d’ailleurs assez bien de transformer le super en ultra et de faire du personnage un insupportable patriote.

On passera sur la faiblesse du récit et la niaiserie du super-héros (assez fidèles, comme Thor ou Les 4 fantastiques, à ce que l’on appellera sans méchanceté la « légèreté intellectuelle » des comics originaux) et l’on évoquera plutôt les terrains sur lesquels on ne pensait pas trouver le Captain. Sur scène en particulier en compagnie d’une douzaine de pin-up en uniforme. Car, après que papa Stark lui a fait don d’une masse musculaire prodigieuse, Steve Rogers (Chris Evans) n’est pas envoyé sur le front. Contre toute attente, il est engagé par l’État dans un spectacle itinérant haut en couleur et pousse la chansonnette pour inciter les populations à souscrire aux emprunts nationaux. C’était là le travail occasionnel des vedettes hollywoodiennes, Carole Lombard par exemple qui avait proposé ses services au président Roosevelt, ou Orson Welles avec son « Mercury Wonder Show ». Le Captain est aussi envoyé en Europe pour distraire les soldats, tout comme Lana Turner ou Ingrid Bergman avaient de cette manière participé à l’effort de guerre.

A l’instar de l’Oncle Sam, Captain America est d’abord un emblème. Il le remplace même sur la fameuse affiche pour pointer du doigt le chaland, « I want you for U.S. Army ». A tel point que l’on verrait davantage à ses côtés Rosie la riveteuse que Peggy agent spécial (Hayley Atwell).


Un couple américain moderne durant la guerre : l’homme au front et la femme à l’arrière et à l’usine.
Ce n’est pas celle-ci (couverture du Saturday Evening Post, mai 1943), mais l’autre Rosie qui est utilisée dans le film (« We can do it ! »)*.

Il est surtout intéressant de noter que la foule américaine le connaît d’abord en tant que personnage publicitaire et non pour ses exploits (qui viendront ensuite). N’est-ce pas là symptomatique de notre temps que de profiter d’une notoriété grimpante sans avoir accompli quoi que ce soit ? Captain America est en effet héros parce que la parade de propagande à la tête de laquelle il a été placé est un succès. De ce fait, si le pantin Rogers aspire à autre chose qu’à défiler en vigoureuse majorette, il faut qu’il désobéisse (nous n’oserons pas dire « résiste ») et cesse un instant de marcher au pas (la perte de l’ami Bucky est le déclencheur). Avec un large disque de vibranium plutôt qu’un couvercle de poubelle, le Cap’ se lance à la poursuite du Red Skull (Hugo Weaving, tout aussi bien desservi que l’Américain question image) et se donne enfin l’occasion de dépasser le statut de héros pour celui de super-héros.





* La revoir au milieu d’une imagerie de propagande retravaillée pour le générique final (imagerie rétro avec laquelle Johnston s’était familiarisé en 1991 pour Rocketeer) et proposée ici par Art of the title. Cette même page reproduit quelques-unes des affiches originales utilisées pour ce générique ainsi qu’une galerie de Kaya Thomas qui a servi en amont du projet (assez proche des créations des graphistes Olly Moss et Eric Tan qui ont également livré leurs propres travaux pour la promotion du Captain).


Voir aussi cet article de L’ouvreuse qui évoque les serials du Captain, produits en 1944 et passés depuis dans le domaine public.

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5 commentaires à propos de “Captain America: the first Avenger”

  1. A nouveau pour signaler un détail dans l’exposition des bannières nationales (mais est-ce vraiment un détail pour les Américains ?) : la différence entre l’affiche originale et son détournement au générique final.

    Original ci-dessus. Une capture d’écran retouchée au-dessous.

    Exit l’URSS, le Mexique ou l’Australie, etc. Pas de mauvaise intention toutefois, puisqu’il paraît vraisemblable que les choix aient été graphiques (tous les drapeaux en bleu, blanc, rouge). Merci Clément pour l’anecdote et les images.

  2. LE CONTEXTE DE GUERRE
    Les États-Unis étaient engagés auprès des démocraties d’Europe bien avant leur entrée en guerre. Ils livraient notamment déjà du matériel militaire aux Alliés. Mais après l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, le président Roosevelt met en place le Victory Program qui pousse à une plus grande production de matériel directement destiné à la guerre. Les populations civiles, elles, sont aussi constamment sollicitées.

    A gauche la fameuse affiche de l’Oncle Sam qui cherche à recruter de nouveaux soldats ; à droite son détournement dans le film Captain America où l’on voit l’acteur Chris Evan dans la même position que Sam et incitant par son physique avantageux et sa célébrité à l’achat de bons de guerre

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    Les campagnes d’affichage touchent tout le monde. Elles visent à engager des hommes pour partir au front, mais aussi des femmes dans les usines ou à des postes bien spécifiques. Elles visent le plus souvent à récupérer de l’argent par la vente de bonds de guerre (« Buy war bonds »).

    Il est intéressant que l’on retrouve ces affiches (remaniées) dans le générique de fin du film.

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    Comme toute affiche de propagande, les affiches livrent un message simple et patriotique. Le texte dit (plus que récité) par le Captain sur scène donne une parfaite illustration de ce que pouvait être les discours demandant aux populations de participer à l’effort de guerre :

    « On ne peut pas tous combattre et conduire des chars d’assaut. Mais on peut tous
    faire quelque chose. La série E des obligations de guerre. Une obligation achetée est une balle dans le fusil du meilleur soldat. »

    « On sait tous qu’il faut essayer de gagner la guerre. Il faut donc des balles, des
    bandages, des chars et des tentes.

    On a besoin de vous. Chaque obligation achetée aidera à protéger un être cher.
    Combien parmi vous sont prêts à m’aider à vaincre Adolf ? »

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    CAPTAIN AMERICA, pantin de propagande
    Les producteurs et leurs scénaristes (Christopher Markus et Stephen McFeely) ont voulu raconter la naissance de Captain America tout en restant fidèles au personnage de la BD et au contexte qui l’a vu naître. Le film exploite donc la première couverture du comic book de 1940 et l’image du coup de poing du Captain sur Hitler (même si la cover date est mars 1941, la BD paraît dès le mois de décembre 1940 après Pearl Harbor).

    A gauche la couverture du premier numéro de la BD ; à droite une affiche proposée pour la promotion du film.

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    Dans l’extrait en lien, montrant les débuts du Captain utilisé par le gouvernement comme un instrument de propagande, le coup de poing est mis en scène comme dans un spectacle de marionnettes. Les enfants avertissent le héros de l’arrivée du méchant. Hitler, ici, c’est le loup ou le gendarme. Ce sont les enfants qui ensuite les premiers achètent la BD devenue un condensé en images de propagande américaine et anti-nazie.

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    Nous évoquions ci-dessus les vedettes hollywoodiennes enrôlées pour l’effort de guerre :

    L’actrice Carole Lombard devant une affiche de propagande durant la guerre (la photo est visible sur The Carole Lombard Photo Archives, mais n’est ni datée ni le lieu localisé).

  3. Le fameux « I want you for U.S. Army » ne date pas de la Seconde Guerre mondiale. L’affiche date de 1917 et marque l’engagement des Etats-Unis dans la Première Guerre.

    Conçue par James Montgomery Flagg, elle a un modèle britannique : une affiche de recrutement de 1914 sur laquelle le ministre de la Guerre Lord Kitchener pointait son index vers le spectateur.

  4. « Just when they’ve taken everyone by force,
    Who makes an entrance on a big, white horse?
    Who starts a-shootin’ ’till there’s noone left to kill?
     »

    Je fais le parallèle entre la chanson du Captain, Star Spangled Man, et Colonel Buffalo Bill, le premier titre de la comédie musicale Annie get your gun de George Sidney (1950). Les deux titres fabrique le mythe et sonnent comme des hymnes pour l’Amérique triomphante.

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