The amazing Spider-man

Mark Webb, 2012 (États-Unis)

Sony efface tout et recommence. En dépit de l’annulation d’un quatrième épisode des aventures de l’homme araignée pour des raisons financières et du départ des principaux intéressés, acteurs et réalisateur, en dépit de la remise en route de la franchise pour des raisons contractuelles (la récupération des droits par Marvel et Disney si Sony déclarait forfait), et quoi qu’en disent les éternels insatisfaits qui valoriseraient aujourd’hui plus volontiers Sam Raimi alors qu’ils s’affligeaient hier de voir les Cahiers du cinéma récidiver et s’abaisser au niveau d’un Daily Bugle à consacrer leur couverture à un super-héros en collant (quelle malédiction pouvait donc bien les frapper pour que cela arrivât treize ans justement après que Batman ait ostensiblement déployé ses ailes sur leur couverture !), The amazing Spider-man n’est pas aussi médiocre que ce que l’on craignait ; d’une médiocrité qui aurait prétexté un retour aux sources pour faire croire à quelque chose de neuf (Lee, Ditko et surtout Ultimate), qui aurait corrigé les insupportables tromperies du réalisateur de Darkman (1990) et qui se serait contentée de développer outrancièrement le teen-movie pour le plus grand plaisir d’un public venu consommer des âneries en 3D tout en profitant d’une séance de sauts en hauteur en plein Manhattan. Il y a certes un peu de tout cela dans The amazing Spider-man, mais pas seulement.

Andrew Garfield, Emma Stone et Marc Webb étaient presque inconnus et ont donc permis aux producteurs d’assurer de belles économies. Les acteurs comblent sans trop de peine le vide laissé par Tobey Maguire et Kirsten Dunst. La tâche est en revanche plus délicate pour le réalisateur de 500 jours ensemble (2009). Marc Webb ne filme pas de façon inefficace la naissance du super-héros mais, ce qui correspond aux attentes des studios, sans véritable audace (les seules nouveautés concernant l’action, la 3D et la spidey vision, faisaient partie des exigences de production). De plus, parce que plusieurs scènes nous sont déjà (très) familières (la piqûre d’araignée, la découverte des pouvoirs, la fille à séduire…), ce faux quatrième épisode n’est pas non plus exempt de longueurs.

Alors quel intérêt ? Il nous semble que Marc Webb n’a pas pu ou su saisir toutes les opportunités laissées par les scénaristes pour enrichir les aventures de l’homme araignée. Ainsi plusieurs thèmes apparaissent et manquent d’être directement traités par l’image, pourtant la présence seule de ces thèmes suffisent à redonner de la valeur à l’ensemble.

Les scénaristes ont d’abord creusé le passé du héros et, du trauma initial à l’allusion post-générique, la figure paternelle est le fil conducteur de l’histoire. Peter Parker est orphelin et pourtant il est de toute part entouré de pères réels ou potentiels : son oncle (Martin Sheen), le Dc. Curt (Rhys Ifans) qui a été le collègue et l’ami de son véritable père, le père dont il a sauvé le fils et qui lui vient plus tard en aide (scène ô combien osée tant elle est ridicule, impliquant les grutiers du chantier du One World Trade Center), enfin c’est au père de Gwen Stacy qu’il fait la promesse censée dicter sa future ligne de conduite (« à grand pouvoir, grandes responsabilités » sur lequel s’achevait le premier Spider-man en 2002). Ce rapport au père est un élément important, nécessaire à l’affirmation de l’adolescent tout autant qu’à la construction du héros.

The amazing Spider-man est ensuite un condensé des sujets traités par Sam Raimi : les difficultés de l’adolescent qui ne sait trouver sa place, la question des responsabilités, la légitimité du justicier seul face à la société… De plus, à l’instar de Batman (celui de Burton, 1989, ou The dark knight de Nolan, 2008) et de Spider-man 3 (Raimi, 2007), Peter Parker est à l’origine du mal qu’il combat. C’est pourquoi, sermonnant presque Parker, le capitaine Stacy lui affirme qu’il n’aide en rien et perturbe l’ordre public. Loin d’aider les citadins, ses premières actions ne sont en effet motivées que par la vengeance. C’est enfin Parker qui fait cadeau de la solution à l’équation du Dc. Curt, calcul qui permettra au scientifique de se transformer en lézard. La scène du voyou qui assassine l’oncle Ben est un peu différente car, si chez Raimi l’adolescent laisse volontairement filer le criminel (il s’agit d’insister sur les actes et leurs conséquences), chez Webb, Parker ne décide de rien durant le méfait, il reste simplement passif.

Faut-il donc agir et risquer d’empirer les choses ? La question des responsabilités est à nouveau posée et, si l’on prête attention à l’affiche dans la chambre de Peter, le rapprochement avec Fenêtre sur cour (1954) nous permet de prolonger la réflexion. Jefferies, interprété par James Stewart, est photographe, comme Peter, mais immobilisé par une jambe cassée, il est obligé de tuer le temps devant sa fenêtre. Habitué pour ses reportages à parcourir le monde et à vivre de façon exaltante, dans pareille situation, il s’ennuie mortellement. Sa seule distraction est d’observer l’immeuble d’en face et chacun de ses voisins. Comme le spectateur qui va au cinéma, il attend un peu d’action, que quelque chose arrive et à trop le souhaiter cela finit par arriver (« Regarder par la fenêtre, passe encore ! Mais le faire avec des jumelles en se forgeant des idées saugrenues… c’est maladif ! »). Ainsi donc, le personnage d’Hitchcock et celui de Stan Lee revu par Webb et Sony partageraient le même problème, celui d’être peut-être à l’origine du mal qui les obsèdent et contre lequel ils se lancent. Mais n’est-ce pas l’imagination qui est ici directement mise en accusation ?

Agir ou ne rien faire du tout ? Rester à sa place, photographe et spectateur passif ? Ni Jefferies, ni Parker n’en sont capables. Pas davantage que le spectateur qui, lui, passe en spidey vision dans les scènes d’action (vision subjective et impressionnante plongée entre les gratte-ciel). A l’égard de Gwen Stacy, cette incapacité à rester sur la touche poussera un jour ou l’autre Parker à briser sa promesse. Il le sait et lui en fait l’annonce…

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4 commentaires à propos de “The amazing Spider-man”

  1. Il n’est pas mal ce film. Hélas, le spectre de la trilogie plane et on ne parvient jamais à le quitter. Là est tout le problème.

    Après, Garfield est excellent et j’aime bien son Parker même s’il est plus difficile de s’identifier à lui (ce qui est paradoxal pour un tel super-héros).

    Bref, je reste mitigé mais assez satisfait.

  2. J’aimerais tant croire qu’une affiche de Fenêtre sur cour ne peut être là par hasard. Mais je suis au bord de penser qu’elle est présente par erreur… tant il me semble que ce Peter Parker-ci ne peut pas regarder un film d’Hitchcock.
    En tout cas, on est loin de Burton, Nolan et même Raimi dans la réflexion sur le passage à l’action du superhéros, Spiderman ne me semblant pas beaucoup tarder avant de se lancer dans ses aventures.
    Quant au jeu entre les multiples figures paternelles, cela aurait pu être l’un des points forts du film si seulement au moins l’une d’entre elles avait tenu la route.

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